Échos du secondaire

Un texte percutant, écrit par une élève du secondaire.

Extrait:

(….) Elle a été remplacée par une jeune femme qui s’est attiré la sympathie
générale en annonçant : « Bon, alors moi je ne suis pas une prof
d’éthique, mais il y a pas d’examen du ministère à la fin de l’année,
alors c’est chill! »  (…)
.
Reste maintenant un examen de connaissance des religions à faire, et
vu que nous n’en avons aucune, elle nous remet une grille dans
laquelle l’essence de cinq religions majeures de l’histoire du monde
tient en deux pages. Puis, elle distribue une grille identique, sauf
pour quelques cases laissées vides. Elle nous permet alors de nous
mettre en équipe pour recopier mot pour mot le document original et
ainsi faire passer cette supercherie pour un examen auprès du
ministère. Pendant que l’on recopiait, je l’entends marchander avec un
élève à propos de la note qu’il aura. «Ça te dérangerait-tu que je te
mettre 68% dans cet examen? Tsé, de toute façon, éthique on s’en
fout.» J’interviens alors en demandant comment elle allait déterminer
les variations entre les notes de chacun. «Oh, ben je vais regarder
l’écriture, des trucs comme ça.» Et sous mon regard sceptique : «Et
aussi l’attitude hein! Faut pas oublier ça.»

Je suis au secondaire, et cette année est celle où j’ai le moins
bien performé académiquement. Pour la première fois, j’ai compris les
décrocheurs, et j’en suis même venue à me demander comment il se fait
qu’il n’y en ait pas plus. Je ne sais donc pas si c’est simplement une
crise d’adolescence, ou plutôt une prise de conscience drastique, mais
j’ai été aux prises avec beaucoup de frustrations et
d’incompréhensions, qui se sont rapidement muées en un détachement
progressif du système d’éducation dans lequel je vis et passe la
majeure partie de mon temps.
.
Le fait est que, particulièrement cette année, j’ai senti un
relâchement dans les cours. Le nombre de jours que j’ai considérés
inutiles en revenant chez moi le soir est incroyable. Les périodes
libres se multiplient, les projets sont abandonnés et le support des
professeurs est sporadique. Tout cela dans un environnement où on nous
martèle de discours concernant l’importance de performer, et où on
critique sans cesse la paresse des étudiants. Je ne peux m’empêcher de
prendre personnellement ces critiques, vu que je fais partie de la
cible visée.
.
En tant que témoin direct de la chose, laissez-moi donc vous donner un
aperçu du fonctionnement réel, et non théorique, du cours le plus
controversé de l’actualité : celui d’éthique et culture religieuse.
.
L’année, de ce côté-là, avait plutôt bien commencé. Nous avions comme
enseignante une férue de la matière, très éthique justement, en
contact avec les jeunes, qui savait comment nous enseigner la morale
d’une manière agréable. Cette perle rare est toutefois partie vers le
milieu de l’année pour faire le bien ailleurs dans le monde. Elle a
été remplacée par une jeune femme qui s’est attiré la sympathie
générale en annonçant : « Bon, alors moi je ne suis pas une prof
d’éthique, mais il y a pas d’examen du ministère à la fin de l’année,
alors c’est chill! »
.
Se sont ensuivis deux bons mois de films, sans aucun souci éducatif,
allant de Hangover à Blood Diamond. Ce dernier étant le seul film que
nous ayons vu qui puisse minimalement s’analyser d’un point de vue
éthique, notre examen d’étape s’est composé de quelques questions
posées oralement dont elle nous avait donné les réponses pendant le
déroulement même du film. Puis, elle nous annonce que comme examen de
fin d’année, qui comptera pour 75% de la note finale, nous devons
faire, en équipe de 6 personnes, un exposé oral de 30 minutes, avec
vidéo, sur l’une des 5 grandes religions que nous étions censés avoir
vues durant l’année.  Sans autre intention de préparation, elle nous
remet un autre film. Cette fois-ci, c’était un film d’horreur. Une
maison hantée.
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Nous sommes maintenant en juin, date de remise du projet. Mon équipe
et moi arrivons en classe, préparés, déguisés, le DVD de notre vidéo
en main. Pour nous rendre compte que nous étions les seuls de tous les
secondaires 4 à avoir fait le projet. Notre chère professeure nous
avertit alors qu’en effet, étant donné le nombre de plaintes reçues de
la part des élèves, elle a décidé d’annuler le projet. Chaque équipe
peut alors s’en sortir en imprimant 10 pages d’information. Toute la
classe est contente. Pas nous.
.
Nous sommes donc les seuls à faire l’oral devant une classe complète
qui nous trouvait certainement naïfs d’avoir pensé qu’il fallait se
forcer avec une telle professeure et dans un tel cours.
.
Reste maintenant un examen de connaissance des religions à faire, et
vu que nous n’en avons aucune, elle nous remet une grille dans
laquelle l’essence de cinq religions majeures de l’histoire du monde
tient en deux pages. Puis, elle distribue une grille identique, sauf
pour quelques cases laissées vides. Elle nous permet alors de nous
mettre en équipe pour recopier mot pour mot le document original et
ainsi faire passer cette supercherie pour un examen auprès du
ministère. Pendant que l’on recopiait, je l’entends marchander avec un
élève à propos de la note qu’il aura. «Ça te dérangerait-tu que je te
mettre 68% dans cet examen? Tsé, de toute façon, éthique on s’en
fout.» J’interviens alors en demandant comment elle allait déterminer
les variations entre les notes de chacun. «Oh, ben je vais regarder
l’écriture, des trucs comme ça.» Et sous mon regard sceptique : «Et
aussi l’attitude hein! Faut pas oublier ça.»
.
La réaction habituelle des jeunes de mon âge à qui je fais part de ma
déception se résume ainsi : « Ouais, ben au moins c’est juste le cours
d’éthique, c’est pas trop grave. » J’ai une différente philosophie de
vie : je ne veux pas aller à l’école pour rien. Cette valeur semble
passée de mode,  mais je ne supporte tout simplement pas de perdre mon
temps. Ni d’avoir l’impression que faire des efforts est ridicule et
obsolète. Ce mépris du cours prend plutôt à mes yeux une allure
d’énorme insulte, à mon intelligence, à ma curiosité ainsi qu’au
concept même d’éducation.
.
Ceci est une anecdote parmi tant d’autres. Ce genre d’incident
m’arrive très fréquemment, et non seulement dans le cours d’éthique. À
ceux, donc, qui déplorent la faible motivation des étudiants, je leur
pose cette question : « À qui la faute, d’après vous? »
….
Le Kiosque avait déjà publié:

Chers lecteurs, Il y a quelques semaines déjà, c’était le début des classes et cette année en secondaire V, nous avons droit à un nouveau cours intitulé « Monde Contemporain. »

Échos du secondaire (23 novembre 2009)

Quels bouquins lit-on au secondaire? Une élève répond…